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Le management de la complexité (6/7)

« Rien n’est permanent, sauf le changement » nous enseignait Héraclite. Du changement à l’incertitude, il n’y a qu’un pas. Et la complexité n’est jamais très loin. Dans le livre « Le management de la complexité », fruit d’un travail de recherche de trois ans mené dans le cadre d’un DBA (Doctorate of business administration), je présente sept clés pour mieux affronter la complexité du monde actuel. Dans cet article, je propose un résumé de la 6ème clé : Les biais cognitifs.

Comment se fait-il que les dirigeants les mieux formés, les plus expérimentés, les plus vertueux, puissent faire des erreurs majeures ? Dans l’article précédent, nous avons vu les limites de l’intuition. Quand il s’agit de résoudre un problème et a fortiori une situation complexe, une autre source d’erreurs existe : les biais cognitifs.

Un biais cognitif est une distorsion de la pensée par rapport à un raisonnement logique. Il se caractérise par être systématique et irrationnel. La distorsion peut se produire lors de l’entrée dans notre système cognitif suite à une sélection des informations prises en compte. Elle peut se produire lors de la sortie en filtrant les réponses.

Les biais dont nous sommes victimes sont inconscients, ils proviennent de notre histoire personnelle, de notre éducation, de notre religion, de notre milieu social, de notre environnement professionnel, de notre famille, … Ces biais sont reconnus comme universels, à quelques nuances près, ils sont largement partagés au travers de la planète.

Ce n’est pas parce qu’ils sont inconscients que nous ne pouvons pas en prendre conscience. Il est donc possible d’espérer trouver des solutions pour en corriger les impacts négatifs. O. Sibony[1] nous donne deux pistes :

  • Nos biais nous égarent mais dans une direction que nous pouvons prévoir.
  • Nos biais sont incorrigibles mais pas ingérables.

La recherche identifie plus de 200 biais. Il est bien sûr impossible de les résumer ici. Dans mon livre Le management de la complexité, je détaille les six biais cognitifs les plus fréquemment rencontrés chez les managers. Ils permettent d’illustrer que chaque biais se dresse comme un mur qui empêche notre cerveau d’aller voir ce qu’il y a derrière. Derrière ce mur peuvent se cacher beaucoup de choses, en particulier la complexité. Ces biais :

  • maintiennent dans le passé ;
  • limitent l’accès à des informations disponibles ;
  • cachent des vérités ;
  • refusent des avis différents ;
  • tuent la créativité.

Ces biais, situés au cœur de notre intelligence, nous limitent ou nous freinent. Là, se situe notre principal problème : ces biais nous empêchent de voir, ou d’imaginer, toutes les composantes d’une situation complexe et donc, représentent autant de risques de ne pas identifier les bonnes décisions ou actions à mettre en œuvre pour éviter la perte de contrôle, voire d’aller vers le chaos.

Comprendre la mécanique de ces biais, permet de savoir les identifier. Une fois identifiés, on peut espérer en limiter les effets. Quelques exemples de biais cognitifs :

  • Biais de halo : une histoire trop belle, trop simple, trop lisse, trop cohérente présente beaucoup de signaux sur lesquels il s’agit de rester vigilant.
  • Biais de confirmation : il empêche de voir, d’écouter et de chercher toute l’information disponible sur le sujet, il faut garder son esprit critique et ne pas succomber aux modes et aux pensées préfabriquées.
  • Biais de confiance : il faut créer autour de soi un environnement critique et l’écouter, des collègues, des experts, des intervenants extérieurs identifiés.
  • Biais d’optimisme : il faut savoir identifier les moments où S1 accélère dans des moments clé alors qu’il serait plutôt nécessaire de prendre quelques secondes, minutes ou semaines pour enrichir l’analyse et faire travailler son S2.
  • Biais d’ancrage : après avoir identifié le phénomène, il faut imaginer un autre point de vue, un autre référentiel. On ne jette jamais son ancre assez loin.…
  • Biais de disponibilité : plutôt que d’expliquer un problème avec les informations à disposition, il faut poser le problème et se demander quelles informations sont nécessaires pour le comprendre, l’analyser et le résoudre.

La compréhension de ces biais permet également d’adapter son management en fonction des biais de ses collaborateurs. Enfin, une équipe peut développer un, ou plusieurs biais, collectif, attention, il ressemble souvent à ceux de son leader !

”Je crois que la vérité est une perspective. On peut évidemment regarder une sculpture sous différentes perspectives, mais c’est la somme de ces perspectives qui fait la vérité ». Nietzsche

Pour aller plus loin sur le sujet : le livre « Le management de la complexité » est disponible sur https://www.amazon.fr/


[1] Voir son livre : Vous allez commettre une terrible erreur (2019)